Récit de course de PIQUER Olivier (plus longue course, 53km et 1400D+) - AMT 85 km 4200+ - juin 2023
Mon premier ultra !
"Après une nouvelle année de préparation sous les ordres de mon pote Rafi de Conviviatrail, je suis enfin sur la ligne de départ de l'objectif de l'année.
Pour la première fois, ma femme fera mon assistance à partir de la deuxième partie de course: elle est stressée pour moi. Je la laisse : on se revoit à la base de vie !
Mon frère, à distance, est là pour me donner des raisons supplémentaires de finir cette course. Je les mets dans ma valise de secours des coups de mou, il n'y en a jamais trop quand l'abandon nous tente.
C'est à côté de Rafi, Clément et Sofiane que j'attends le départ de cette course prévue à 00h01. Le temps est idéal, le mental est en mode "je veux en découdre". Le chef me conseille de rester en retenue et de ne pas m'emballer, " il y a 85km. Attention de ne pas se cramer avec l'excitation"
Je (re)prends la mesure de l'énorme effort qui m'attend et des paramètres qui rendront ce moment plus ou moins infernal. La fatigue de la nuit ? Les ischios ? Mon pied ? Une erreur de ravito ? L’envie ? Les barrières horaires ?
3,2,1, c'est parti pour les 85km 4200+ de cette édition des légendes de l'Ardennes Méga Trail !
Les deux premières heures se font comme prévues, en équipe. Le rythme est plus soutenu pour pouvoir se placer. Je m'inquiète de voir mon cardio bien au-dessus de ce que je voulais et le premier passage ravito du 11ème km arrive trop vite par rapport à mes objectifs. « Je vais me cramer ! ».
Raf me rassure. Content de vivre cette course avec lui pour la première fois, j'ai un gros pincement quand il me demande de le laisser. Ce début de course lui annonce la couleur, avec sa grosse charge mentale des dernières semaines, il aura un énorme combat à mener face à la fatigue et un corps capricieux blessé précocement.
"Je le vois encore le visage fatigué me dire « Fonce mais surveille tes rétros ». Je garderai cette image de la silhouette de mon meilleur pote dans la souffrance, face à lui-même dans cette pente au milieu de la nuit, pour aller chercher cette putain de ligne d'arrivée."
Nous finissons par nous séparer progressivement. Sofiane fonce devant, je reste un temps avec Clément. Je commence à m'interroger, je dois ralentir par sécurité pour tenir mais mon corps et ma tête m'envoient des signaux euphorisants… J'ai envie de me battre sur les pistes, j'ai envie de mettre en application tout ce que j'ai appris en stage avec Conviviatrail, je le sens, j'ai envie de dépasser en descente, j'ai envie de faire mes petits pas en montée... Et plus les minutes passent plus je vois que je suis en transe, je dépasse, j'ai du plaisir comme jamais. les lumières des frontales, la forêt, la profondeur de la nuit: je vis mon aventure!
Je me délecte de cette sensation, seul jusqu'au lever du soleil, mon frère me dit que je remonte au classement, ma femme me dit qu'elle est prête et qu'elle m'attend à la base de vie.
Juste avant le stop base de vie, je vis une anomalie : je double Sofiane, c'est pas normal, il est largement plus fort que moi! Il est dans le dur, coup de froid, troubles digestifs... c'est impitoyable !
A la base de vie, J’ai la banane mais les jambes sont dures. N’ai-je pas cramé mes cartouches trop tôt ?
Ma femme me décharge de toute la pression, je mange un super ravito qu'elle a préparé, je me change, je me sèche, elle me recharge le sac, elle me masse les jambes.
Je m'apprête à répartir sur le début de l'autre course mais juste avant de partir,...
"j'ai le plaisir d'être interviewé par Monsieur Patrick Montel qui note que ma femme est une super aide pour ma course ! Décidément c'est une super journée !"
J'embrasse ma femme, et je pars découvrir la suite.
La suite est beaucoup moins facile et c'est tant mieux.
"Je vis de grosses difficultés jusqu'53ème"
Le sommeil pointe son nez, je ferme les yeux régulièrement en courant. Je fais quelques sprints pour me réveiller, ça passe doucement.
La chaleur arrive, le sucre me dégoûte, l’eau salée de mon sac m'écœure au point d'être incapable d'en boire sans avoir la nausée. Il me reste 5km avant le prochain ravito. Je sens mes lèvres sèches, mon ventre se tord, j’ai la tête chaude, ça tape fort sur cette pente interminable , je me fais dépasser par des paquets de coureurs, mince je craque…
Je suis obligé de m'allonger à l'ombre d'un arbre pour reprendre mes esprits. Que faire ? Tout me dégoûte. Je teste les biscuits apéro salés dans le sac, et miracle, ma tête se réveille, j'avais faim de salé en fait !! Je me mange la moitié du paquet et je me sens suffisamment d'attaque pour arriver au prochain ravito ! Je rêve d'eau fraîche !!!
J'arrive au ravito du 53, je ne suis pas en forme, je me douche sous les robinets d'eau , je refroidis le corps, ça me réveille ! Le temps d'avaler deux trois trucs, un check roadbook, un bisou d'encouragement et je repars.
La suite me réserve de belles difficultés, des alternances de forme et de méforme, mais je fais le dos rond. Je parviens à m'exprimer régulièrement dans les descentes sans trop prendre de risques. Je remonte, ça me fait du bien à la tête.
Je vois passer une tête connue au 60ème : c'est Sofiane qui est ressuscité ! Il a fait le dos rond dans le dur et il a maintenant une smille énorme !! Comme quoi il faut s'accrocher !! Il file, devant rattraper son chrono ! Go !
"Je termine la portion jusqu'au 73 avec 10min d'avance sur mon temps le plus optimiste !"
Et là ça sent bon le final ! Je me prends à rêver de finir avant 16h mais les trois dernières côtes en décideront autrement. Et ce n’est pas grave !
Je traverse la rivière avec une joie immense !!! J'entends le speaker au loin, une personne me crie dessus «il te reste 400m ! » Et paf, je repars en sprint jusqu'à l'arrivée ! Tout le monde est là, ma femme est là ! Je l'ai fait !! 16h08 ! 164 sur environ 320 partants !
Merci l'équipe Conviviatrail !
On l'a fait les gars !! Merci à toutes et à tous !"
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